samedi 10 janvier 2009

De lutte à lutte, de cœur à cœur


De lutte à lutte, de cœur à cœur
CSPCL, Paris

Premier Festival mondial de la digne rage

San Cristóbal de Las Casas, Cideci, "Un autre monde, une autre politique".
Le 2 janvier 2009.

Aux compañeras et compañeros du Comité clandestin révolutionnaire indigène,
Aux bases de soutien zapatistes,
Aux communes autonomes,
Aux Conseils de bon gouvernement,
À l’Autre Campagne nationale et internationale,
Aux peuples en lutte du monde entier,
Aux participants de ce Premier Festival de la digne rage,
À la société civile nationale et internationale,
Au Cideci,

Nous vous adressons les salutations dignes et rageuses du Comité de
solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte de Paris.
Nous allons essayer de vous parler un peu de ce que nous vivons, nous
écoutons, nous observons de l’autre monde et de l’autre politique, en bas
et à gauche en France.

Nous vous remercions pour l’espace que vous nous avez donné et pour votre
écoute. Comme participation à cet acte, nous avons décidé de lire ce texte
qui a été écrit par les membres du comité présents dans ce festival, car
c’est notre façon de faire, collectivement.

De lutte à lutte, de cœur à cœur, nous dédions ces paroles à la mémoire de
deux amis décédés, Amado Avendaño et André Aubry.

Qui sommes-nous ?

Créé fin 1994 à Paris, le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas
en lutte est une assemblée ouverte née des luttes sociales et de leurs
convergences. Des collectifs et des individus, dans leur diversité, se
sont réunis pour manifester leur solidarité avec le soulèvement zapatiste
et avec la construction de l’autonomie indigène au Chiapas, et pour
diffuser l’information sur ces luttes au sein du mouvement social en
France.

Depuis quatorze ans, nous, qui formons cette assemblée ouverte, nous
réunissons chaque mercredi pour essayer de décider des initiatives
solidaires avec les zapatistes et avec les luttes et les mouvements
sociaux de résistance en France et en Europe.

Où sommes-nous ?

Pays appartenant à ce qu’on appelle "premier monde", la France est une
vieille puissance coloniale dont le pouvoir et la richesse se fondent sur
l’exploitation, la dépossession, le mépris et la répression.

* Exploitation, à travers le pillage des ressources naturelles, des
matières premières, et à travers l’exploitation des êtres humains qu’ils
soient sur son propre territoire ou dans ses ex-colonies, plus
particulièrement en Afrique et en Asie.

* Mépris envers les migrants, les pauvres, les jeunes, les femmes, les
travailleurs, les paysans, les minorités, les cultures, les différences.

* Dépossession du territoire, dans les champs et dans les différents
espaces publics urbains. Mais aussi dépossession du territoire mental à
travers la colonisation de nos rêves, de notre créativité et de nos
pensées.

* Répression. Outre les nouvelles lois antiterroristes qui justifient
l’hypersurveillance, la répression attaque tous les secteurs de la société
chaque fois plus : les chômeurs, les migrants, les adolescents, les
enfants, les rebelles, les sans-domicile, les malades mentaux...

Un exemple, il y a quelques mois, l’Union européenne a adopté une loi : un
immigré sans papiers en Europe peut être emprisonné jusqu’à dix-huit mois
avant d’être expulsé !

Et le gouvernement de France non seulement réprime mais il exporte ses
méthodes, savoirs, instruments et armes de répression. Ainsi, depuis dix
ans, il a signé un accord de coopération policière avec le Mexique qui a
permis au mauvais gouvernement mexicain de développer, entre autres, la
PFP.

En France, nous avons connu des gouvernements de toutes les couleurs
politiques et tous ont appliqué les "quatre roues" du capitalisme. Les
bénéfices sociaux conquis à travers les luttes sociales depuis le XIXe
siècle disparaissent peu à peu depuis trente années approximativement. Les
conditions de vie s’aggravent chaque fois plus. Et cela se produit parce
que les gouvernements travaillent en collusion avec les entreprises
capitalistes.

Nous allons être clairs : nous ne croyons pas dans la logique de la prise
du pouvoir ou dans les partis, même s’ils se disent anticapitalistes. Nous
nous reconnaissons dans les luttes et les mouvements de base qui
s’organisent d’une manière autonome. Nous savons qu’aucune amélioration ne
viendra d’en haut. Le capitalisme le sait bien, et c’est justement pour
cette raison qu’il réprime ceux d’en bas qui s’organisent.

Il y a peu de temps, le gouvernement a fait beaucoup de bruit autour de la
détention d’un groupe de jeunes, accusés sans preuves de sabotage. Ce
n’est pas un cas unique. Depuis plusieurs mois, il stigmatise ceux qu’il
appelle anarchistes, autonomes ou terroristes : des jeunes qui essayent de
s’opposer et qui construisent des alternatives au système capitaliste dans
leur espace de vie.

Toute cette publicité, ces emprisonnements sont une manière d’effrayer les
gens et une tentative pour décourager les révoltes. Bien évidemment, il
s’agit de préparer les répressions.

Dans ce même contexte, on voit la criminalisation des occupations de
maisons, les expulsions violentes et la guerre systématique contre les
sans-papiers. La répression des sans-papiers est si forte à travers
l’emprisonnement, la violence policière, l’expulsion forcée, que certains
meurent dans leur tentative d’échapper à la police.

Comment résiste-t-on en France ?

Ces situations provoquent des réponses et des luttes de tout genre, comme,
en 2005, la révolte spontanée où les banlieues se sont enflammées après la
mort de deux jeunes poursuivis par la police.

En ce qui concerne les politiques de rejet des migrants, en 1996 les
clandestins se sont fait connaître à tous, réclamant non seulement leur
régularisation mais aussi affirmant leur dignité et leur liberté de
circulation. Depuis ce moment, ils se rendent visibles à travers des
actions comme des occupations : d’églises, de lieux de travail ou de
bâtiments publics. Le Neuvième Collectif de sans-papiers autogéré est né à
cette époque et continue à résister jusqu’à présent ; ce n’est pas le seul
mais c’est un des plus actifs. Plusieurs groupes, réseaux et individus se
mobilisent pour soutenir leurs luttes.

Cette question des migrants a un lien avec le territoire et c’est pour
cela que nous luttons avec eux pour créer un espace qui ne soit pas limité
par des frontières mais qui soit construit par ceux qui l’habitent.

Le territoire est très important car il implique la manière de lutter. Les
migrants, les jeunes, les individus ou les familles qui ont décidé
d’occuper des maisons et des bâtiments dans les villes, pour avoir des
toits, des logements, des espaces collectifs et culturels, l’ont très bien
compris. Aujourd’hui, la répression rend cela chaque fois plus difficile.

Beaucoup de lieux sont ainsi nés dans la campagne et dans les villes en
essayant de construire une alternative aux réalités du monde capitaliste,
en partageant des connaissances et en résistant à la perte du territoire.

Ainsi sont nées beaucoup d’autres luttes, petites ou grandes, où les gens
s’opposent aux projets de développement du gouvernement (supermarchés,
ponts, autoroutes, aéroports...), au pillage des ressources naturelles, au
nucléaire ou aux transgéniques.

À la fin des années 1990, des paysans et des organisations ont commencé à
s’organiser contre les cultures transgéniques ; de là est né le mouvement
de base de ceux qui se nomment les Faucheurs volontaires. Ils continuent à
faucher des champs plantés de transgéniques et, bien qu’ils accumulent les
procès, ils obtiennent aussi la quasi-disparition des cultures
transgéniques.

De nouvelles relations se développent entre la campagne et la ville à
travers les Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne. Des
groupes de voisins se mettent en relation avec des paysans pour sortir des
grandes chaînes de commerce capitaliste, obtenir directement auprès des
paysans une partie des aliments et rapprocher ainsi la campagne et la
ville. Dans ce processus, il s’agit aussi de récupérer des terres des
mains de grands propriétaires industriels pour les cultiver de manière
collective.

En France, alors que le démantèlement du système de protection sociale et
des services publics avance, sont nés des mouvements de résistance sociale
qui sont confrontés à la perte de leur autonomie face aux appareils
syndicaux et à la classe politique. Ainsi, beaucoup de ces mouvements d’en
bas, qui n’arrivent pas à maintenir leur autonomie et leurs luttes,
finissent par accepter des accords signés entre ceux d’en haut.

Les ponts que nous essayons de créer entre ici et là-bas

En tant que comité, nous nous sommes donné quatre tâches principales :

• Ouvrir un espace en langue française diffusant et traduisant
l’information, les communiqués et les analyses du mouvement zapatiste et
indigène au moyen d’une liste de diffusion et d’un site sur Internet, de
débats, de projections et de tables de presse ;

• Faire pression sur le gouvernement mexicain en organisant des
rassemblements et des manifestations, en rédigeant des communiqués ;

• Réunir un appui matériel pour les communautés insurgées du Chiapas grâce
aux bénéfices tirés de concerts de solidarité, de vente d’artisanat, de
repas solidaires ou de vente de café des coopératives zapatistes à travers
l’association Échanges solidaires ;

• Nous essayons aussi de nous focaliser sur la question de l’autonomie et
du territoire que l’on est en train de perdre, démontés par le système
capitaliste.

À travers la visite de Gloria Muñoz Ramirez, de Juan Chávez, membre du
Congrès national indigène, de compañeras et compañeros d’Atenco, d’Oaxaca,
de l’Autre Campagne de New York, nous essayons de mettre en relation les
luttes autonomes liées à la question sociale, paysanne et urbaine ici et
là-bas.

En 2005, le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte a
adhéré avec enthousiasme à la Sixième Déclaration. Avec l’Autre Campagne,
le chemin que nous suivons devient plus ample. La construction d’un réseau
dans lequel toutes les révoltes, "en bas et à gauche", se rencontrent
ouvre l’espace d’un monde de liberté, justice et démocratie.

Avec des rencontres, des événements, des initiatives, nous essayons de
créer cet autre monde d’en bas à gauche en mettant en rapport des idées et
des expériences de lutte.

Nous voulons terminer avec un message de Limaba, paysan africain du
Burkina Faso, qui a découvert la lutte indigène et le mouvement zapatiste
grâce à sa rencontre avec Juan Chávez en Europe. Malheureusement, ce
compagnon n’a pas pu venir ici à cause des problèmes de visa. Voici son
message :

"Je salue la chère et fraternelle communauté indigène du Mexique. J’admire
son courage, sa combativité et sa détermination à revendiquer ses droits.
Un bel exemple et un des rares qui existent encore aujourd’hui de lutte
contre la pire gestion de la société : le capitalisme.

Je vous souhaite à tous un bon festival."

Merci.

Le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte

Un grand merci à Chantal pour la traduction.


--
Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (CSPCL, Paris)
33, rue des Vignoles - 75020 Paris - France
assemblée (hebdomadaire et ouverte) le mercredi à partir de 20 h 30
http://cspcl.ouvaton.org
cspcl@altern.org
listes d'information : http://listes.samizdat.net/sympa/info/cspcl_l
http://listes.samizdat.net/sympa/info/cspcl-fr

Aucun commentaire: